lundi 18 juillet 2022

Le James Webb Space Telescope: c'est quoi ?

Ceci est le premier épisode d'une série d'articles sur le James Webb Space Telescope (JWST ou juste Webb). 

Je présenterai d'abord le télescope dans cet article, puis dans un article suivant, j'expliquerai l'intérêt des images qu'il a prises: en quoi elles donnent plus d'informations sur l'Univers en général, et certains phénomènes en particulier.

Lancé le 25 décembre 2021, le James Webb Space Telescope vient d'être mis en service: c'est un télescope spatial qui vient prendre le relai du télescope spatial Hubble, avec quelques différences et des améliorations.

Vue d'artiste représentant le James Webb Space Telescope (JWST) dans l'espace. La structure dorée en haut de l'image est le miroir du téléscope, composé de 18 hexagones recouverts d'or. On a ensuite un miroir secondaire au bout d'une perche (en haut à droite) et les boucliers thermiques sous le miroir. Les panneaux solaires sont en bas de la structure.

 

Quelle est la mission du JWST ?

Ce nouveau télescope nous permettra d'étudier des objets toujours plus lointains, toujours plus anciens, pour comprendre la formation et l'évolution des premières étoiles et des galaxies. Il permettra aussi d'étudier la composition de l'atmosphère des exoplanètes, et pourquoi pas de découvrir des mondes propices à la vie.

 

En quoi est-il différent de Hubble (taille du miroir, longueurs d'onde observées, instruments utilisés) ? 

Le JWST a plusieurs différences avec Hubble, qui lui donnent d'autres capacités.

D'abord, le JWST a un miroir beaucoup plus grand: 6.5 m de diamètre contre 2.4m pour Hubble, ce qui en fait un télescope beaucoup plus sensible, avec un grand pouvoir de résolution.

Ensuite, le JWST observe l'Univers dans l'infrarouge proche et lointain, alors que Hubble observe les UV, la lumière visible et les infrarouges proches. Les différents instruments du JWST lui permettront d'étudier le spectre lumineux des objets visés, en plus de nous donner des images.

 

Schéma du spectre lumineux: correspondance entre la longueur d'onde et le type d'ondes créé. Plus la longueur d'onde est petite, plus la lumière émise contient d'énergie. Les différents types de lumière ne traversent pas les mêmes objets

A retenir

- Le miroir du JWST est plus grand que celui de Hubble

- Le JWST regarde dans l'infrarouge proche et lointain

- Sa mission: regarder toujours plus loin, pour étudier la formation des galaxies et des systèmes planétaires. Il permettra aussi d'étudier les exoplanètes.


Pourquoi observer les infrarouges et pas la lumière visible ?

Le Webb observe les objets en infrarouge pour deux raisons.

La première, c'est qu'il va viser des objets très lointains qui, en s'éloignant de nous à cause de l'expansion de l'Univers, vont émettre une lumière qui sera énormément décalée vers le rouge. Cette lumière nous parvient sous forme de lumière infrarouge (voir dans la rubrique "Pour aller plus loin" le paragraphe "Red shift"). 

L'autre raison d'observer dans l'infrarouge, c'est que cette lumière passe à travers les nuages de poussière et les nébuleuses, et nous permet de voir des étoiles qui nous seraient invisibles sinon, cachées derrière une couche de nuages.

Et ce n'est pas fini. Les nuages aussi peuvent interagir avec la lumière des étoiles: ils vont servir de filtres, et en fonction de la lumière filtrée, ils nous donneront des informations sur leur composition. 

 

A retenir

- Pour observer des objets très lointains, il faut regarder dans l'infrarouge

- L'infrarouge permet de voir à travers des nuages de gaz

- La lumière infrarouge indique la composition des nébuleuses


Et pourquoi ces panneaux isolants ?

Tous les objets émettent de la lumière, en fonction de leur composition et de leur température. En chauffant, ils émettent d'abord des ondes radio, puis des infrarouges, de la lumière visible, etc.

Ce qui veut dire que les instruments du télescope, à cause de leur propre chaleur, émettent eux aussi des rayons infrarouges, qui masquent les signaux émis par les objets observés.

Pour éviter ce problème, des précautions ont été prises.

D'abord, en plus du système de refroidissement embarqué, le télescope est placé sur un point particulier de l'espace, le point de Lagrange L2 (voir la section Pour aller plus loin, "Les points de Lagrange").

Cet endroit est assez particulier: ici, le Soleil est masqué par la Terre en permanence, et la Terre est assez loin pour ne pas chauffer le télescope par rayonnement. 

Les boucliers thermiques, tournés vers le Soleil et la Terre, bloquent le reste de la lumière émise par le Soleil et la Terre.

Toutes ces précautions,  permettent aux instruments du JWST de refroidir suffisamment (40 K donc environ -233 °C)


A retenir

- Le JWST a été envoyé au point de Lagrange L2 pour pouvoir refroidir suffisamment

- Pour observer dans l'infrarouge lointain, il faut refroidir les instruments (40 K environ, donc -233 °C)

 

Où en est-il dans sa mission 

 Le JWST a atteint sa destination et a terminé ses réglages. Aujourd'hui, les premières images qu'il a prises ont été publiées.

J'expliquerai plus tard, dans un autre article, quelles informations sont données par ces nouvelles images.


Pour aller plus loin

Les points de Lagrange

 Quand un objet tourne autour d'un autre objet (typiquement, une planète qui tourne autour d'une étoile, ou une lune qui tourne autour d'une planète), des points particuliers se forment dans l'espace.

A ces endroits particuliers, les forces de gravité des deux objets, et la force centrifuge, se compensent: si quelque chose se trouve à l'un de ces endroits - un astéroïde, un télescope, ou une voiture par exemple - il ne sentirait plus l'attraction des deux astres, et il resterait à cet endroit.

Ces endroits particuliers, ce sont les points de Lagrange. Il en existe 5 pour chaque couple d'objets. Ces points de Lagrange tournent autour du grand objet (l'étoile) en même temps que le petit objet (la planète).

Voici d'ailleurs un schéma qui montre où sont placés ceux de la Terre:


Schéma représentant les points de Lagrange du système Soleil-Terre. Ces points correspondent aux zones d'équilibres entre les forces subies par un objet (gravité du Soleil, de la Terre, force centrifuge...) ce qui lui permet de rester au même endroit. Le JWST a été placé au point L2.

 

Ce n'est peut-être pas très clair, alors je laisse AstronoGeek vous expliquer le concept correctement:


 Une petite explication des points de Lagrange par AstronoGeek: c'est clair, et c'est en français.

 

Le JWST a été placé au point de Lagrange L2 de la Terre: il est donc en permanence dans l'ombre de la Terre.

Pour donner une idée des distances:

- La Station Spatiale Internationale (ISS) est en orbite autour de la Terre à 400 km d'altitude,

- La Lune est à 384 000 km de la Terre,

- Et le JWST est à ... 1.5 millions de km de la Terre, donc 1 % de la distance Terre-Soleil !


Spectre d'émission, spectre d'absorption

Quand un objet chauffe, il émet de la lumière. Mais pas n'importe comment.

La lumière qu'il émet dépend de sa composition chimique, et de sa température: on commence par des ondes radio, puis infra-rouges, visibles, etc.

Mais la lumière émise est très particulière: pour chaque élément chimique, si on s'amuse à décomposer la lumière, on obtient des bandes très nettes, très caractéristiques: c'est le spectre d'émission.

C'est ce phénomène qui donne le jaune si particulier des lampes au sodium, par exemple.

Une étoile, très chaude, aura des bandes d'émission plus large, jusqu'à avoir un spectre continu. Les différences d'intensité le long du spectre indiquent sa composition.

Un spectre d'absorption se forme si quelque chose se place devant une source lumineuse: cet objet, comme un abat-jour, va bloquer la lumière, et ne laissera passer que les bandes qui correspondent à sa composition.

 

Schéma explicatif du spectre d'émission et du spectre d'absorption. Le spectre d'émission est émis par une source lumineuse, c'est donc un spectre discontinu, composé de bandes qui indiquent la composition de l'objet. Le spectre d'absorption est créé quand de la lumière passe à travers un objet: il bloque les bandes du spectre qui correspondent à sa composition.

"Red shift": décalage vers le rouge

 

Schéma du décalage de la lumière vers le rouge, ou "red shift". Quand un objet lumineux s'éloigne de l'observateur, la lumière qu'il émet devient plus rouge. Ce décalage est d'autant plus important que la vitesse de l'objet est importante.

 

Détail des instruments du JWST:

-> La NIRcam (caméra en infrarouge proche) est utilisée pour observer les systèmes planétaires en formation et les exoplanètes. Un coronographe masque les étoiles et permet de voir les exoplanètes près de leur étoile.

-> Le NIRspec (spectromètre en infrarouge proche) nous donne des informations sur la composition des objets observés (galaxies lointaines, exoplanètes...) en donnant des spectres de la lumière captée. Il peut réaliser jusqu'à 100 spectres à la fois, sur 100 objets différents.

-> Le MIRI (instrument pour l'infrarouge moyen) donne à la fois des images et des spectres. Comme c'est le seul instrument embarqué qui capte les infrarouges moyens, il est utilisé sur beaucoup d'objets différents.

-> Le NIRISS (spectrographe et caméra en infrarouge proche) permet d'observer un objet unique et brillant, et analyser cet objet en réalisant un spectre de sa lumière.

Sources

Sites Internet

Généralités

https://www.jwst.fr/

Orbite du James Webb

https://jwst.nasa.gov/content/about/orbit.html

Plein d'infos

https://fr.wikipedia.org/wiki/James-Webb_(t%C3%A9lescope_spatial)

Où en sont les réglages ?

https://blogs.nasa.gov/webb/2022/04/28/nasas-webb-in-full-focus-ready-for-instrument-commissioning/

Points de Lagrange

https://fr.wikipedia.org/wiki/Point_de_Lagrange


Images

Le télescope

https://tse2.mm.bing.net/th?id=OIP.OgxB12Bq0Or1WKHmFQr2KQHaFj&pid=Api

Les points de Lagrange

https://tse2.mm.bing.net/th?id=OIP.tTYwoKIhfd7AAs80vXZn1wHaGh&pid=Api

Schéma du spectre lumineux

https://www.ecosia.org/images?q=sch%C3%A9ma%20spectre%20lumineux#id=DC3D297EE2EC49CFBF56DEC38BA5950F08FDD9A1

Spectre d'absorption, spectre d'émission

http://metaphysik.fr/docs/4407spectre-absorption-emission.jpg

Red shift

https://media4.obspm.fr/public/FSU/pages_fizeau/decalagerouge.png

 

Vidéos

Points de Lagrange

Astronogeek: https://www.youtube.com/watch?v=KIw_KsEbl3g

jeudi 10 décembre 2020

CRISPR-Cas9: les chercheurs récompensés par un Prix Nobel

 

Récemment, les Prix Nobel ont été attribués, et parmi les heureux titulaires, deux chercheuses, la biologiste américaine Jennifer Doudna et la microbiologiste française Emmanuelle Charpentier ont reçu le Prix Nobel de chimie pour la mise au point de la méthode d'édition génétique CRISPR-Cas9.

Photographie des lauréates du Prix Nobel de chimie 2020, Jennifer Doudna (biologiste américaine) et Emmanuelle Charpentier (microbiologiste française). Elles ont mis au point la méthode d'édition génétique CRISPR-Cas9.


Mais au fait, c'est quoi l'édition génétique ? Et CRISPR-Cas9 ?

Et pourquoi des biologistes obtiennent un Prix Nobel de chimie ?

Installez-vous, tout sera plus clair dans un moment..


Un petit rappel sur le Prix Nobel ?

Le Prix Nobel est l'un des prix les plus prestigieux et les plus connus du grand public. Il récompense chaque année des personnes ayant contribué à l'avancement et au bien-être de l'humanité, dans différents domaines:

- La paix ou la diplomatie,

- La littérature,

- La physique,

- La chimie,

- La médecine,

- L'économie depuis 1968.

Cette récompense prestigieuse a été voulue en premier lieu par Alfred Nobel, l'inventeur de la dynamite, et a été attribuée la première fois en 1901.

Une photographie d'Alfred Nobel (à gauche), montée à côté de la médaille à son effigie qui représente son fameux Prix. Ce prix récompense la diplomatie, la physique, la chimie, médecine, la littérature et l'économie.

 

Si des biologistes obtiennent aujourd'hui un Prix Nobel de chimie, c'est pour des raisons historiques: la biologie, à l'époque d'Alfred Nobel, se résumait en grande partie à la botanique et la zoologie. On peut donc imaginer que pour Alfred Nobel, cette discipline ne contribuait pas vraiment à "l'avancement de l'Humanité".

Aujourd'hui, la biologie s'est bien développée, et a un peu "le cul entre deux chaises", coincée entre la chimie et la médecine.

On déplore aussi l'absence des mathématiques, de l'informatique et de la musique dans la liste des domaines récompensés.

A retenir

- Le Prix Nobel a été inventé en 1901 à la suite du testament d'Alfred Nobel, inventeur de la dynamite ;

- Ce prix récompense la diplomatie, la chimie, la physique, la médecine, la littérature, l'économie ;

- Pas de mathématiques, d'informatique ou de musique ici

- Les biologistes obtiennent des Prix Nobel de chimie ou de médecine


C'est quoi CRISPR-Cas9 ? D'où ça vient ?

CRISPR-Cas9 est un outil moléculaire qui permet de corriger, de réécrire une séquence d'ADN. Il est tellement précis qu'il permet, dans des conditions optimales, de corriger une seule lettre (une "paire de bases") d'une séquence d'ADN: à ce niveau de précision, on parle d'édition génétique.

Cet outil a été découvert dans des bactéries, il fait partie du "système immunitaire bactérien" qui leur permet de se défendre contre les virus.

 

A quoi ça ressemble, CRISPR-Cas9 ?

CRISPR-Cas9, c'est un peu comme un chasseur de prime :

- On a d'abord Cas9, le "chasseur de prime", une protéine qui va porter son "avis de recherche" et le comparer à l'ADN qu'il rencontre. 

- On a ensuite CRISPR, l' "avis de recherche", qui est en fait un ARN, une molécule proche de l'ADN, qui porte la séquence génétique à reconnaître. Le nom CRISPR décrit la structure de la séquence qu'il porte, ce n'est pas ce qui nous intéresse ici.


A retenir

- CRISPR-Cas9 est un outil découvert chez des bactéries, il leur sert à se protéger des virus

- Cas9 est un "chasseur de primes" qui va chercher des séquences d'ADN,

- CRISPR est son "avis de recherche" qui permet d'identifier la séquence à cibler


Comment ça marche ?

Dans le noyau des cellules, Cas9 parcourt le génome à la recherche d'une séquence génétique qui correspond à celle portée par CRISPR.

Une fois qu'une séquence est reconnue, l'enzyme coupe les deux brins d'ADN au même endroit.

Enfin, la protéine se décroche de l'ADN et va chercher une autre séquence à couper.

Schéma de l'anatomie de CRISPR-Cas9 et de son action sur l'ADN. L'ARN contenant la séquence CRISPR (en bleu) reconnaît une séquence d'ADN (en rouge) et Cas9 (la masse rose) coupe l'ADN.




Donc c'est un outil qui coupe l'ADN à un endroit précis. Mais pourquoi on dit qu'il permet de corriger l'ADN ?

C'est vrai, à lui tout seul, CRISPR-Cas9 ne permet que de couper l'ADN. Alors pour pouvoir le corriger, les généticiens ont une astuce: ils utilisent la machinerie de la cellule à leur avantage.

Quand une séquence d'ADN est coupée dans le noyau, la machinerie de la cellule va vouloir recoller les morceaux, ce qui peut aboutir à des mutations aléatoires à cet endroit. 

Pour éviter ces mutations, qui peuvent être dangereuses, on utilise des "pansements d'ADN" c'est-à-dire des séquences d'ADN un peu spéciales, qui vont permettre une bonne réparation de l'ADN et d'ajouter la mutation qui nous intéresse.

A chaque extrémité du pansement, on trouve une séquence qui correspond aux bords de l'ADN qui a été coupé par Cas9. Et au milieu, la mutation qui nous intéresse.

La machinerie de la cellule va prendre le pansement pour recoller les morceaux d'ADN qui ont été séparés par Cas9, sans erreur cette fois-ci. Et voilà, l'ADN a été modifié exactement comme on le voulait !


Schéma du processus d'édition génétique via CRISPR-Cas9. L'enzyme Cas9 (la masse rose "Cas9 nuclease") utilise la séquence CRISPR (le trait rouge "sgRNA") pour trouver la séquence génétique ciblée, puis coupe les l'ADN (étape "DSB"). Normalement la cellule répare comme elle peut l'ADN, ce qui peut causer des mutations ("indel" en bas à gauche), mais avec un pansement d'ADN ("HDR template" en bas à droite) l'ADN peut intégrer la modification sans problème.


 Voici une petite vidéo de l'INSERM qui explique le fonctionnement de CRISPR-Cas9:



A retenir

- CRISPR-Cas9 coupe l'ADN partout où il reconnait la séquence cible

- C'est la cellule elle-même qui intègre ensuite la séquence à ajouter

- Pour éviter les erreurs, la séquence d'intérêt est fournie avec des extrémités qui correspondent aux bords de l'endroit de la coupe


Pourquoi est-ce une avancée si extraordinaire ? Y a-t-il des alternatives ?

Il existe plusieurs alternatives à CRISPR-Cas9, qui utilisent soit des virus génétiquement modifiés, soit des ciseaux à ADN très spécialisés. 

Par rapport à ces techniques, CRISPR-Cas9 a deux avantages. 

D'abord sa grande précision puisqu'on peut couper l'ADN exactement où on veut, à la paire de bases près. Cette technique peut aussi très facilement changer de cible puisqu'il suffit de changer la séquence de l'ARN "avis de recherche" (CRISPR) au lieu de prendre une protéine complètement différente pour chaque séquence à cibler.


A retenir

- Il y a plusieurs alternatives à CRISPR-Cas9

- Ces alternatives sont soit moins précises, soit moins ajustables


A quoi ça sert ?

La modification génétique a énormément d'applications possibles: la recherche scientifique évidemment, mais aussi la production de médicaments par des bactéries ou des cellules en culture (insuline...), les organismes génétiquement modifiés (plantes ou animaux d'élevage), la lutte contre certaines maladies.

De nombreuses recherches sont en cours pour guérir des maladies génétiques, lutter contre le cancer ou enlever l'ADN de certains virus des cellules du corps, comme le VIH.

Bien sûr, tout cela pose énormément de questions éthiques. 


Et l'éthique dans tout ça ?

Aujourd'hui, de nombreux pays ont réglementé l'utilisation d'embryons humains en laboratoire (limite de temps de culture, etc.), ce qui interdit aujourd'hui de guérir un embryon porteur d'une maladie génétique.

Les modifications "esthétiques", non-indispensables à la survie et au bien-être de l'individu, sont particulièrement visées par ces règles.

Malheureusement, tous les pays ne sont pas aussi stricts dans leurs interdictions, et on peut imaginer que ces méthodes soient bientôt utilisées dans certains pays du monde.

Je vous invite à regarder la vidéo de DirtyBiology qui en parle très bien.


 

 

Pour aller plus loin

Pour rester simple et accessible à tous, je n'ai pas pu parler de tout dans cet article.

Donc pour les curieux et les initiés, je mets ici quelques liens qui vous en apprendront plus.

CRISPR

Vecteurs viraux, Enzymes de restrictions et plasmides

ARN interférents

Virus bactériophages

Thérapie cellulaire

 

Merci

Merci à tous d'avoir lu cet article, le sujet était particulièrement dense et complexe. J'espère que j'ai été clair pour tout le monde, si ce n'est pas le cas n'hésitez pas à le dire dans les commentaires, je répondrai volontiers à vos questions.


Sources

Images

Lauréates du prix Nobel de chimie 2020

https://img.lemde.fr/2020/10/07/7/0/3834/2556/688/0/60/0/d0c0ca3_b2ad6ba6808845d39288525454ef9415-b2ad6ba6808845d39288525454ef9415-0.jpg

Alfred Nobel

http://www.important7.com/wp-content/uploads/2018/06/Alfred-1.jpg

Schéma de l'action de CRISPR-Cas9

https://media.springernature.com/full/springer-static/image/art:10.1007%2Fs40199-019-00240-z/MediaObjects/40199_2019_240_Figa_HTML.png

Schéma de l'anatomie de CRISPR-Cas9

https://www.leem.org/sites/default/files/inline-images/4_CRISPR-Cas9_0.jpg

Vidéos 

Fonctionnement de CRISPR-Cas9

https://www.youtube.com/watch?v=RplWR12npqM 

DirtyBiology: l'eugénisme à la cool du futur

https://www.youtube.com/watch?v=cYAaHJ9WUXs

 

Sites Internet

Nom des chercheurs

https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/10/09/qui-sont-les-laureats-et-les-laureates-des-prix-nobel-2020_6055475_3224.html

Vie, carrière des chercheurs

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jennifer_Doudna

https://fr.wikipedia.org/wiki/Emmanuelle_Charpentier

Informations sur le Prix Nobel

https://fr.wikipedia.org/wiki/Prix_Nobel#R%C3%A8gles_d'attribution

Revue sur CRISPR-Cas9

https://www.annualreviews.org/doi/full/10.1146/annurev-biophys-062215-010822#_i2 

Définition de endonucléase

https://fr.wikipedia.org/wiki/Endonucl%C3%A9ase

Définition de plasmide

https://fr.wikipedia.org/wiki/Plasmide

Définition d'enzyme de restriction

https://fr.wikipedia.org/wiki/Enzyme_de_restriction

Définition de vecteur viral

https://fr.wikipedia.org/wiki/Vecteur_viral

Définition ARN interférents

https://fr.wikipedia.org/wiki/Interf%C3%A9rence_par_ARN

Définition de virus bactériophage

https://fr.wikipedia.org/wiki/Bact%C3%A9riophage

Définition de thérapie cellulaire

https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9rapie_cellulaire


Articles scientifiques

Revue sur CRISPR-Cas9

Fuguo Jiang & Jennifer A. Doudna "CRISPR-Cas9 Structures and Mechanisms", Annual Review of Biophysics 2017 46:1, 505-529

Utilisation en thérapie génique

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25713109/ 

Xiao-Jie L, Hui-Ying X, Zun-Ping K, et al. "CRISPR-Cas9: a new and promising player in gene therapy".

Manjunath, N., Yi, G., Dang, Y., & Shankar, P. (2013). Newer gene editing technologies toward HIV gene therapy. Viruses, 5(11), 2748–2766. https://doi.org/10.3390/v5112748

vendredi 3 juillet 2020

Les organoïdes

Récemment, j'ai vu sur les réseaux sociaux un article (source) qui parle d'une équipe de chercheurs qui a réussi à faire pousser de la peau humaine plus vraie que nature. Il y avait même des poils !
J'ai voulu en savoir plus sur cette avancée, et sur une curiosité qu'on appelle les organoïdes.

Mais comment est-ce possible ?
Est-ce vraiment si extraordinaire de faire pousser de la peau humaine en laboratoire ?
Et un organoïde, c'est quoi exactement ?
Très bien, reprenons depuis le début.

C'est quoi un organoide ?

Un organoïde, c'est une sorte de mini-organe obtenu grâce à une technique particulière de culture cellulaire.
D'habitude, la culture cellulaire consiste à faire pousser un type de cellules bien précis dans une flasque ou une plaque adaptée. On sait faire pousser de nombreux types cellulaires de cette manière : des cellules de peau, de rein, de foie, de muscle, de coeur, des neurones...
Dans tous les cas, il s'agit de faire pousser un seul type cellulaire dans chaque boîte.

Photographie d'une plaque de culture cellulaire. Le liquide rouge dans les puits est le milieu nutritif des cellules. On y fait pousser en général un seul type cellulaire à la fois. Elles forment un tapis d'une cellule d'épaisseur.

Cultiver un type de cellules, c'est très intéressant, mais c'est assez loin de la réalité: dans un organisme, on trouve énormément de types cellulaires différents, qui interagissent pour former des organes. Il a donc fallu trouver un moyen de cultiver plusieurs types de cellules en même temps: c'est ce qu'on appelle la co-culture, et ça ressemble à ça.
Une méthode pour cultiver deux types cellulaires dans le même puits. Un premier type cellulaire (en rose-rouge) est mis en culture alors qu'un insert est placé dans le puits. Après quelques jours, l'insert est retiré, on obtient une zone sans cellules au fond du puits ("cell-free zone" en bleu)

Avec ces techniques de co-culture, on peut faire interagir des types cellulaires différents, ce qui est plus proche de ce qui se passe dans l'organisme.
Avec les organoïdes, on franchit encore une étape dans la reproduction d'un organe complet.
Des cellules souches embryonnaires sont cultivées dans un milieu nutritif qui contient des composés qui vont déclencher la différenciation des cellules. Le résultat va ressembler à une version embryonnaire de l'organe qu'on souhaite reproduire, comme le cerveau, l'intestin, la peau.

Photographie d'organoïdes de cerveau (petites masses blanches dans les puits) dans une plaque de culture cellulaire. Ces petits organes correspondent à un cerveau au stade embryonnaire. Les cellules cultivées ne forment pas des répliques exactes des organes puisqu'elles se développent en dehors d'un individu complet.

A retenir
 - La culture cellulaire classique permet de cultiver 1 à 2 types cellulaires à la fois
 - Les organoïdes reproduisent un organe à l'état embryonnaire
 - Les organoïdes sont plus proches d'un organe extrait d'un organisme complet

Quelle est la différence avec un organe complet ?

La différence entre un organoïde et un organe complet, c'est qu'il se développe en dehors d'un organisme complet, donc il lui manque un contexte, des cellules environnantes qui vont guider son développement. Donc même s'il ressemble énormément à un "vrai organe", ce n'est pas une reproduction exacte. Il peut même manquer des types cellulaires par rapport à l'organe à reproduire.

A retenir
 - Les organoïdes ressemblent beaucoup aux organes retrouvés in vivo
 - Il existe des différences entre les organoïdes et les organes retrouvés in vivo

A quoi ça sert de faire pousser des mini-organes in vitro ?

C'est vrai, pourquoi faire pousser des organes dans des flasques alors qu'on pourrait en prélever directement sur des animaux de laboratoire ?
En biologie, on a besoin de pouvoir tester nos hypothèses sur du vivant, ce qui pose deux problèmes.

Le premier, c'est la ressemblance de nos modèles d'étude avec le vivant. Avec une culture cellulaire classique, la ressemblance est assez limitée, donc c'est compliqué d'extrapoler les résultats sur un organisme complet.
On peut utiliser un modèle vivant, et c'est ce qui se passe d'ailleurs, mais ça pose un autre problème: l'éthique.
Contrairement à ce qu'affichent les médias et les reportages, les laboratoires de recherche ont des règles d'éthique assez strictes à respecter pour tester leurs hypothèses sur des animaux, et l'une des règles est de réduire au maximum le nombre d'expériences à réaliser sur des animaux de laboratoire.
Il a donc fallu trouver un nouveau modèle d'expérimentation.

Photographie de souris de laboratoire. Elles sont mignonnes non ? Attention, elles risquent de tomber. Les laboratoires tentent de réduire le nombre d'expérimentations sur les animaux, et des règles d'éthique strictes sont imposées pour réduire la souffrance des animaux.


A retenir
 - Les organoïdes peuvent permettre de limiter le nombre d'expérimentations animales
 - L'expérimentation animale est très réglementée pour garantir le bien-être des animaux

Et donc, à propos de la culture de peau humaine ? Comment ont-ils fait ?

Par hasard !
D'après Karl Koehler, l'un des chercheurs à l'origine de cette avancée et interviewé par le magazine Futura-Sciences, il cherchait avec son équipe à produire des cellules... de l'oreille interne !
En cultivant des cellules sensibles au son, il s'est rendu compte que des cellules de peau se développaient en même temps. En voyant que des poils commençaient à pousser, il a tenté d'isoler les cellules de peau pour les cultiver à part.
Le résultat est là: la peau obtenue était d'une qualité inégalée !

On y trouvait les deux couches de la peau (l'épiderme et le derme) mais aussi des follicules pileux, des mélanocytes qui colorent les poils, une couche de gras sous-cutané, des cellules musculaires, des terminaisons nerveuses.
En greffant cette peau obtenue en laboratoire sur des souris sans poils, ils ont découvert que non seulement des poils poussaient effectivement sur les souris, mais en plus des glandes sébacées se développaient.
Pour rappel, les glandes sébacées fabriquent le sébum, qui recouvre et protège la peau.

Schéma de l'anatomie de la peau. On y voit trois couches: l'épiderme, le derme, l'hypoderme. La peau comprend des vaisseaux sanguins, des nerfs, des poils, des glandes sébacées, des glandes sudoripares, etc.
Tous ces détails sont très difficiles à reproduire en laboratoire.


A retenir
 - Cette innovation s'est faite par hasard: l'équipe voulait produire des cellules d'oreille interne sensibles au son
 - La qualité de cette peau produite en laboratoire est d'une qualité inégalée
 - Cette peau comprend toutes les options d'une peau naturelle: poils, coloration, production de sébum, terminaisons nerveuses, gras sous-cutané, etc.


En quoi c'est une avancée ?

Pour traduire grossièrement ce que disait Karl Koehler dans son article qui présente cette avancée, "reconstruire de la peau avec toutes les options en culture est un défi biomédical qui doit encore être relevé".
En effet, si on savait déjà faire pousser de la peau qui comprend le derme, l'épiderme et parfois des poils, jusqu'ici personne n'avait réussi à fabriquer de la peau avec autant de fonctionnalités.
Les terminaisons nerveuses, les glandes sébacées ou sudoripares, la coloration des poils ou de la peau... sont autant de détails qui étaient très difficiles à reproduire, au moins jusqu'à aujourd'hui.

Pour quelles applications ?

Une innovation scientifique comme celle-ci aura énormément d'applications, dans la recherche ou la vie quotidienne.
D'abord en recherche, une peau reproduite avec une telle qualité sera idéale pour comprendre en détails les interactions cellulaires ou pour évaluer l'action d'une substance sur la peau. Cette peau "synthétique" permettra de réduire considérablement le nombre d'expérimentations animales puisqu'on pourra tester des produits cosmétiques sans impliquer d'animaux de laboratoires.
Dans la vie quotidienne, cette peau pourra être greffée à des grands brûlés pour un résultat plus vrai que nature, et produire des cheveux pour ceux qui souffrent de calvitie.

Mais les organoïdes ne sont pas limités à de la peau.
Voici une conférence qui explique assez bien le sujet et les applications des organoïdes. Celle-ci prend l'exemple des organoïdes de cerveau.
Ne vous inquiétez pas, elle est en anglais mais des sous-titres sont disponibles.



A retenir
 - Cette "peau artificielle" sera très utile en recherche
 - On pourra la greffer à des grands brûlés
 - On pourra produire des poils/cheveux pour ceux qui souffrent de calvicie
 - Les organoïdes permettront de faire avancer la recherche
 - La greffe d'organe sera facilitée si on peut "cultiver des organes"


Est-ce qu'on risque un jour de voir des gens complètement fabriqués en laboratoire, organe par organe et assemblés pour former des individus complets, comme une sorte de créature de Frankenstein futuriste ?

Effectivement, c'est normal d'avoir peur qu'un jour, on puisse assembler un corps humain complet à partir d'organes séparés, entièrement créés en laboratoire.
On aurait une sorte de créature de Frankenstein, quoique peut-être un peu plus frais.

Illustration représentant la créature de Frankenstein, un homme fabriqué à partir de morceaux de plusieurs cadavres et ramené à la vie grâce à une science mystérieuse à base d'éclairs.
Je ne pense pas qu'un jour (pas dans un futur proche en tous cas) on saura faire pousser des personnes ou des animaux en laboratoire, dans des incubateurs.

Pour deux raisons:

 - Jusqu'à présent, même si on arrive à faire se développer des embryons de plus en plus tard in vitro, il arrive toujours un moment où on a besoin d'implanter l'embryon dans une mère porteuse. Un embryon a besoin de beaucoup de nutriments pour se développer et ses besoin changent pendant son développement. Et puis, il est interdit d'incuber un embryon humain plus d'un certain temps, pour des raisons éthiques.

 - La deuxième raison, c'est que si on arrive à faire pousser des embryons d'organes in vitro, c'est très compliqué de greffer ces organes entre eux, il n'y a aucune garantie qu'ils communiquent entre eux et forment un individu complet, viable.

Donc non, je ne pense pas qu'il y aura un jour des personnes ou des animaux "cultivés en laboratoire", même si ce serait un très bon sujet de film de science-fiction.
A mon avis, c'est beaucoup plus simple d'utiliser la PMA (procréation médicalement assistée).

A retenir
 - Pas de Frankenstein à l'horizon: il est plus facile d'utiliser la PMA (procréation médicalement assistée) pour créer des individus

Mon avis

Bravo aux équipes !
Pouvoir produire de la peau de cette qualité en laboratoire, c'est très impressionnant. Cette découverte ouvre la voie pour produire d'autres organes d'une aussi grande qualité, des organes qui pourront sauver une nombre impressionnant de vies.

Merci à tous d'avoir lu cet article, j'attends vos commentaires avec impatience. Que vous soyez un spécialiste du sujet ou juste des curieux, n'hésitez pas à me poser vos questions ou à compléter mes informations.


Sources


Articles
Article production de peau en laboratoire à partir de cellules souches pluripotentes
Lee, J., Rabbani, C.C., Gao, H. et al. Hair-bearing human skin generated entirely from pluripotent stem cells. Nature 582, 399–404 (2020). https://doi.org/10.1038/s41586-020-2352-3

Sites web
Définition d'un organoïde
https://fr.wikipedia.org/wiki/Organo%C3%AFde
Culture cellulaire: les bases
https://fr.wikipedia.org/wiki/Culture_cellulaire
Co-culture:utilisation d'inserts
https://www.thermofisher.com/fr/fr/home/life-science/cell-culture/cell-culture-plastics/cell-culture-inserts.html
LégiFrance: décret sur les règles d'éthique dans l'expérimentation animale
https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2013/2/1/AGRG1231951D/jo/texte

Images
Plaque 6 puits culture cellulaire
https://st.depositphotos.com/1933507/4490/i/950/depositphotos_44909415-stock-photo-scientist-working-at-laboratory-using.jpg
Méthode de co-culture cellulaire
https://cdn.mybiosource.com/tds/protocol_images/000000-499999/MBS168183_TD.jpg
Photo d'organoïdes dans une boîte de culture cellulaire
https://www.sciencemag.org/sites/default/files/styles/article_main_large/public/organoid%202_16x9.jpg?itok=ZSvnF59A
Souris de laboratoire
http://www.francetvinfo.fr/image/750qpfl6w-c823/1000/562/5225939.jpg
Anatomie de la peau
https://cmapspublic.ihmc.us/rid=1J6PVB6PX-10WLNVQ-1CMY/Diagram%20of%20Skin%20Layers.jpg
Créature de Frankenstein
https://i.pinimg.com/originals/a7/26/5c/a7265cc119126e32b27e7cf5277b62dd.jpg

Vidéos
Organoïdes de cerveau
https://www.youtube.com/watch?v=EjiWRINEatQ&list=PLglgdp1mrinjmU-5pFNhFhj2wJ2U9Vvy_&index=2&t=0s

vendredi 20 mars 2020

Coronavirus: un peu moins de désinformation

Depuis l'apparition du coronavirus j'entends toutes sortes d'informations, parfois contradictoires. Pour cette raison, j'ai décidé de rassembler des informations aussi fiables que possibles. Le but, c'est d'éviter la panique et les décisions basées sur de fausses informations.

Le coronavirus: c'est quoi ? D'où ça vient ?
Le coronavirus, c'est un virus enveloppé, à ARN à sens positif d'une longueur de 30 à 32 000 bases et à symétrie hélicoïdale. Évidemment, avec une définition pareille, vous êtes bien avancés.
Mais globalement, le virus ressemble à ça :

Schéma de l'anatomie d'un coronavirus. L'ARN du virus (filament jaune) est protégé par des protéines formant une capside (points violets) et par une enveloppe composée d'une membrane (rond vert autour de la capside) et de protéines (formes diverses incluses dans la membrane)


Ce coronavirus est le petit dernier d'un groupe de virus: 4 d'entre eux sont typiquement humains et causent en général des rhumes bénins. Deux autres de ses cousins peuvent se transmettre de l'animal à l'Homme: le MERS-CoV, présent au moyen-orient, est transmis par les chameaux ; l'autre est appelé SARS-CoV et passe par les chauve-souris (mais pas que). Il en existe évidemment une myriade d'autres qui ne se transmettent pas à l'Homme.

Le nom de notre virus a donc été SARS-CoV-2 (deuxième coronavirus SARS), puis CoViD-19. Le nom "coronavirus" désigne le groupe dans son ensemble.

Arbre phylogénétique du coronavirus nCoV-2019. Les souches qui ont émergé récemment de Chine (en rouge) sont très proches du virus du SARS (le dernier nom en rouge). Les coronavirus sont nombreux, mais peu d'entre eux se transmettent à l'Homme. Les plus communs d'entre eux sont inoffensifs.

A retenir:
 - Le coronavirus de Wuhan a différents noms: SARS-CoV-2, nCoV-19, CoViD-19
 - Il fait partie d'une grande famille de virus ciblant principalement les animaux (mammifères en général)
 - Le CoViD-19  est un cousin du SARS, d'où un ancien nom : SARS-CoV-2


A quel point est-il dangereux ?
La majorité des patients atteints par ce virus sont des personnes à risque : des personnes âgées, ou avec des risques aggravants (diabète, hypertension, maladies cardio-vasculaires...). Peu de cas ont été détectés chez des enfants.

La contamination se fait par inhalation de micro-gouttelettes, diffusées par un éternuement, ou une quinte de toux. On peut aussi absorber le virus de façon indirecte, en touchant son visage avec un objet contaminé, comme un stylo ou ses mains. Le virus cible les cellules pulmonaires.
Bon à savoir: le virus ne se transmet pas de la mère enceinte à son enfant, via le placenta.

Le temps d'incubation moyen est de 5 jours mais peut aller jusqu'à 12 jours. Pendant toute cette période, une personne atteinte n'est pas contagieuse mais finira par développer des symptômes. C'est à l'apparition des symptômes qu'une personne atteinte devient contagieuse.
Il arrive aussi que les personnes atteintes ne développent pas de symptômes, on les appelle les porteurs sains. Je n'ai pas beaucoup d'informations à ce sujet malheureusement.

Les symptômes sont de la fièvre et une toux sèche. Dans certains cas, la maladie peut évoluer en pneumonie. La mortalité arrive surtout chez les personnes à risque et les malades non-traités.

Recensement des symptômes du coronavirus nCoV-19 ou CoViD-19. En général, la contamination implique une fièvre, de la toux, des difficultés à respirer, parfois une diarrhée. Les cas les plus graves impliquent une pneumonie, et parfois une défaillance des reins, le tout pouvant entraîner la mort. Les symptômes peuvent être traités mais il n'existe pas de vaccin à l'heure actuelle.


Le dépistage du virus se fait soit en identifiant le génome du virus dans un prélèvement de cellules du patient (un coton-tige dans la bouche par exemple) soit par détection des anticorps dirigés contre le virus dans le sang du patient. Ces anticorps peuvent être détectés 10 à 15 jours après la contamination.

A retenir:
 - Contamination: via les gouttelettes dispersées dans l'air (toux, éternuement) ou par contact indirect. On est contagieux au premier symptôme, pas avant.
 - Incubation: 5 jours en moyenne, 12 jours maximum.
 - Symptômes: d'abord la fièvre, la toux sèche, éventuellement la diarrhée puis une difficulté à respirer. C'est une pneumonie, ça peut devenir grave si vous avez du mal à respirer.
 - Population cible: tout le monde peut se faire contaminer et tomber malade. Les personnes fragiles développent plus facilement les formes graves. Il y a eu peu de cas d'enfants jusqu'ici.
 - Traitement: pas de vaccin jusqu'ici, pas de traitement antiviral recommandé. Pour guérir, il faut traiter les symptômes.


Pour vous donner une idée de la dangerosité du virus, voici un graphique qui situe le CoViD-19 par rapport à d'autres maladies. Les chiffres donnés sont à prendre avec des pincettes.
BFM TV compare la dangerosité du CoViD-19 avec d'autres maladies. Attention, source peu fiable!

Deux chiffres sont à prendre en compte dans la transmission d'une maladie:
- Le "basic reproduction number" noté R0, indique le nombre moyen de personnes qu'un malade va contaminer
- Le taux de mortalité, qui indique le pourcentage de morts par rapport aux cas recensés.

Pour le CoViD-19, le R0 varie de 1.5 à 3.5 selon les situations, là où le R0 de grippe est à 1.5.
Le taux de mortalité du coronavirus se situerait autour de 4% :
A la date du 16 mars, 165 515 cas ont été recensés dans le monde pour 6606 morts à travers le monde (dont 3218 en Chine).
Soit 3.99 % de mortalité.
A titre de comparaison, la grippe saisonnière fait de 290 000 à 650 000 morts par an dans le monde.
Tout ça pour dire que ce virus n'est pas beaucoup plus dangereux ou virulent qu'une grippe ordinaire.

D'ailleurs, l'Université de Toronto a développé un outil de modélisation qui vous permet de faire varier ces deux chiffres pour vous faire une idée :
Amusez-vous à simuler l'évolution de l'épidémie !

A retenir:
 - R0: nombre moyen de personnes qu'un malade va contaminer.
 - Taux de mortalité: pourcentage de décès dus à la maladie parmi les personnes atteintes.
 - CoViD-19: le R0 se situe entre 1.5 et 3.5 (selon les situations), le taux de mortalité (actuel) est de 3.99 %
 - Ce virus a fait bien moins de morts dans le monde que la grippe saisonnière en 1 an


D'où vient cette épidémie ?
Tout commence le 30 décembre 2019. Ce jour-là, 4 cas de pneumonie sont rapportés à Wuhan et sont apparemment liées au marché aux animaux local. Les autorités sanitaires sont tout de suite alertées: la dernière fois que des cas de pneumonie ont été reliés à un marché aux animaux, on a découvert le SRAS, un virus assez proche et... problématique.
Dans les jours qui viennent, le virus est identifié: c'est un petit frère du SRAS !

Puis tout va très vite: le 10 janvier, le génome du virus de Wuhan est publié, chaque pays peut maintenant préparer des amorces qui permettront de dépister ce virus dans leur population.
C'est à ce moment-là que la maladie est appelée CoViD-19 (CoronaVirus Disease-2019 en anglais, ou "maladie à coronavirus de 2019"). Les scientifiques savent donner de jolis noms aux choses.

Le 12 janvier, le premier mort causé par ce nouveau virus est identifié. A ce moment-là, seules 41 personnes sont infectées, toutes liées au marché de Wuhan.

Le 13 janvier, premier cas de transmission d'homme à homme en Thaïlande. On parle d'épidémie à présent.

Le 18 janvier, on dénombre 71 902 cas dans le monde, et 1775 morts.

Le 11 mars, on parle maintenant de pandémie.

Pour la petite histoire, ce nouveau virus viendrait du pangolin, un mammifère tout mignon et très blindé, qui l'aurait transmis à un des animaux du marché de Wuhan.

Photographie d'un pangolin. C'est mignon un pangolin.

Je vous laisse regarder cette vidéo de l'Institut Pasteur, qui résume à la fois l'historique de la maladie et la situation en général. Le chercheur (français) parle en anglais, mais la vidéo est sous-titrée en français.


A retenir:
 - Les premiers cas d'infection au virus nCoV-19 se sont déclarés à Wuhan le 30 décembre 2019 : 4 pneumonies.
 - Le réservoir sauvage du virus serait le pangolin, qui aurait contaminé l'un des animaux du marché de Wuhan


Que pouvons-nous faire en tant que citoyens pour arrêter cette épidémie ?
Les mesures à adopter sont globalement les mêmes que pour la grippe: tousser ou éternuer dans son coude, ne pas serrer les mains ou faire la bise, jeter les mouchoirs utilisés (même une seule fois !), se laver les mains régulièrement.
Il y a aussi quelques mesures supplémentaires: mettre un masque si vous êtes malade ou si vous entrez dans une zone à risque (salle d'attente chez le médecin...).

Aujourd'hui, il n'existe pas de vaccin ou de médicament détruisant spécifiquement le virus, alors la prévention reste notre meilleure arme.

Si vous vous sentez malade, n'allez pas voir votre médecin, appelez-le! Il vous donnera la marche à suivre. Vous pouvez aussi appeler le SAMU (le 15) si vous, ou quelqu'un près de vous, a du mal à respirer, en plus de la fièvre et de la toux.

Certaines mesures exceptionnelles ont été adoptées par le gouvernement de nombreux pays: interdire les regroupements, fermer les restaurants, les bars et les lieux de rassemblement en général, annuler les évènements sportifs...
On parle de "distanciation sociale".

Affiche conseillant des mesures d'hygiènes adaptées pour éviter la propagation d'une maladie. Affiche diffusée par le Québec, qui se sent aussi concerné par cette épidémie. Ils sont trop sympas, ces Québécois.


Et le confinement dans tout ça ? Ce n'est pas un peu extrême, comme mesure ?
La mesure de confinement adoptée par la France notamment consiste à garder la population chez elle tout en gardant certaines activités essentielles en fonctionnement (personnel médical, police/gendarmes, certaines administrations...).

Cette mesure devrait durer ... jusqu'à nouvel ordre, si j'ai bien compris. Elle durera au minimum 15 jours puisque la période d'incubation dure au maximum 12 jours.
Cette durée permettra de s'occuper des malades au fur et à mesure qu'ils se déclarent.

A retenir:
 - Restez chez vous si vous le pouvez
 - Suivez les consignes de sécurité (hygiène des mains, distance avec les personnes)
 - Ne paniquez pas, ce n'est jamais utile.
 - Les activités non-essentielles sont arrêtées ou marchent au ralenti (chômage partiel, télétravail, arrêt de travail...)
 - Ne gênez pas les activités essentielles (services de santé, approvisionnement en nourriture ou matériel médical, administrations...)
 - Durée du confinement : au moins 15 jours, pour que tous les cas se déclarent et puissent être traités en toute sécurité


Quelle est l'utilité réelle de ces mesures ?
L'intérêt de toutes ces mesures est de limiter le contact entre les personnes pour empêcher le virus de se propager. Mais ce n'est pas tout.

Lors d'une épidémie, si rien n'est fait, un nombre de cas très important se déclare en peu de temps, puis diminue tout aussi rapidement.
Malheureusement, les ressources du système de santé (hôpitaux, cliniques...) sont limitées, donc tous les patients ne peuvent pas être pris en charge et le nombre de morts est important.

Par contre, si une mesure de confinement est prise, le nombre total de malades sera le même, mais il y en aura moins à la fois, et ils seront espacés dans le temps.
De cette manière, les systèmes de santé peuvent s'occuper de tout le monde et réduire le nombre de morts à son minimum.

On dit qu'on "applatit la courbe" ("flatten the curve" dans la langue de Terry Pratchett).

Comparaison du rythme d'apparition de nouveaux cas pendant une épidémie, avec ou sans confinement. La courbe violette représente l'évolution d'une épidémie sans mesure de confinement, la courbe hachurée représente la même évolution lorsqu'une mesure de confinement est prise

Voici un exemple.
Pendant la pandémie de grippe de 1918, deux villes des USA, St Louis et Philadelphie ont été touchées par la maladie.
La ville de St Louis a adopté une mesure de confinement comparable à celle en vigueur aujourd'hui.
Résultat: le nombre de malades atteints en même temps était faible, donc les hôpitaux ont pu s'occuper de tous les patients au fur et à mesure. Il y eut peu de morts à St Louis à cette occasion.

La ville de Philadelphie, de son côté, n'a adopté aucune mesure de confinement.
Rapidement, un grand nombre de malades s'est déclaré, le système de santé de la ville a rapidement été débordé et tous les patients n'ont pas pu être soignés. Inutile de dire que cette ville a mal enduré cette épidémie de grippe.

Comparaison de l'évolution du nombre de morts entre Philadelphie (trait plein) et St Louis (pointillés) pendant la pandémie de grippe de 1918. La ville de St Louis avait pris une mesure de confinement alors que Philadelphie n'en a pas pris.


Voici des vidéos qui vous expliqueront très clairement ce concept:
Pour les anglophones, la chaîne "It's Okay to be Smart"



Pour les autres, Bruce Benamran de la chaîne e-penser se débrouille bien aussi.




Sources
Images
Schéma du coronavirus
http://1.bp.blogspot.com/-ZYAfpYrrnvs/UZLoHnvOBcI/AAAAAAAA340/X7g2DFfCBHs/s1600/sars01.jpg

Arbre phylogénétique des coronavirus
https://trustmyscience.com/wp-content/uploads/2020/02/genomes-coronavirus.jpeg

Symptômes du coronavirus nCov-19
https://indianewengland.com/wp-content/uploads/2020/01/Corona-Virus-symptoms.png

Affiche mesures d'hygiène au Québec
https://ville.varennes.qc.ca/sites/default/files/news/infographie-coronavirus-infections.jpg

Photographie d'un pangolin
https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEga2qWaAZ85xztV5YrNi4N9iPW9tFUxx-eOx_yUujvAD00HgcPDIDKr9AZaLRbgZsWzH1fANH4zi8ip8r4-gpEaK2MFa0sqcT9hVV_2fpsktnSNgYpIOvhrOnNmUs53FIyLzlkq-Vl40JCY/s1600/Pangolin-pic-2013-05.jpg

Vidéos
Institut Pasteur: résumé de la situation
https://youtu.be/4l_NxT9XJHk

It's Okay to be Smart: flatten the curve
https://www.youtube.com/watch?v=fgBla7RepXU&list=WL&index=10&t=332s

e-penser: un point sur le coronavirus
https://www.youtube.com/watch?v=dp1thcnPbiM&list=WL&index=7

Articles, textes, rapports
Rapport du CDC de 2017 "community Mitigation Guidelines to Prevent Pandemic Influenza"
https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/66/rr/rr6601a1.htm#F1_down

Article de Richard J. Hatchett, Carter E. Mecher et Marc Lipsitch "Public health interventions and epidemic intensity during the 1918 influenza pandemic" 2007
https://www.pnas.org/content/pnas/104/18/7582/F1.medium.gif

Article de Adriaan H. de Wilde, Eric J. Snijder, Marjolein Kikkert et Martijn J. van Hemert "Host factors in coronavirus replication" 2017. DOI: 10.1007/82_2017_25

Susan R. Weiss, Julian L. Leibowitz. "Coronavirus pathogenesis". Advances in Virus Research, Volume 81, Chapitre 4. DOI: 10.1016/B978-0-12-385885-6.00009-2

Article de Chih-Ceng Lai, Tzu-Ping Shih et al. "Severe acute respiratory syndrome coronavirus 2 (SARS-CoV-2) and coronavirus disease-2019 (COVID-19): The epidemic and the challenges". 2020. https://doi.org/10.1016/j.ijantimicag.2020.105924

Article de Hussin A. Rothan, Siddappa N. Byrareddy "The epidemiology and pathenogenesis of coronavirus disease (COVID-19) outbreak" 2020. https://doi.org/10.1016/j.jaut.2020.102433

Nombre de morts par an dans le monde dus à la grippe saisonnière (OMS)
https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/influenza-%28seasonal%29

vendredi 21 février 2020

La pollution par les microplastiques

Il y a quelques semaines, j'ai rédigé un petit bilan de la bibliographie concernant la pollution aux microplastiques. C'était... c'était pour un ami, qui en avait besoin.
Quoi qu'il en soit, j'ai décidé de résumer ce petit bilan et d'en faire profiter mes lecteurs. Alors nous voilà, sur ce blog, à parcourir ces lignes.
Alors sans plus tarder, commençons.

1) Les microplastiques ? Qu'est-ce que c'est ?
Les microplastiques sont des morceaux de plastiques qui mesurent moins de 5 mm de longueur.
Ils viennent principalement de la dégradation au cours du temps des déchets plastiques plus gros, comme des sacs de courses, qui se retrouvent dans la nature et subissent l'effet de l'eau, du sel, des ultraviolets du Soleil. A l'échelle de la planète, 300 millions de tonnes de plastique sont produits chaque année. Malheureusement, 79 % sont rejetés dans la nature, ce qui représente 237 millions de tonnes de déchets plastiques par an. Aujourd'hui 6.3 milliards de tonnes de déchets plastiques ont été rejetés de par le monde.

D'ailleurs, la WWF a conduit une étude sur le sujet, je vous laisse la parcourir.
Rapport de la WWF sur les microplastiques

Photographie d'un déchet plastique dans l'océan.



Les types de plastiques retrouvés le plus souvent sont le PVC (polychlorure de vinyle), le PET (polyéthylène), le polyuréthane, le polystyrène et le polypropylène.

Mais les microplastiques n'ont pas tous la même origine. Ces composés sont utilisés dans certains produits phytosanitaires (pesticides...) mais aussi parfois ... Dans le dentifrice. Oui, je parle bien de ces petites billes dans le dentifrice sensées polir l'émail de nos dents.
Décidément, entre les nanoparticules et les microbilles de plastique, on rajoute vraiment n'importe quoi dans le dentifrice.
Vous saviez qu'à une époque, rajouter du radium dans le dentifrice était un gage de qualité ?
Comment ? Vous n'aviez pas envie de le savoir ? Je vous en prie, c'est tout naturel.

Gros plan d'un échantillon de dentifrice contenant des microbilles de plastique. Ces particules (petits points bleus foncés dans la masse bleu clair du dentifrice) frottent l'émail de la dent en douceur, ce qui la polit, la rend plus blanche et aide à décrocher la plaque dentaire.

Le linge aussi peut produire des microplastiques. Pendant le lavage du linge, des fibres de tissu, que ce soit de la laine, du lin ou un polymère quelconque, sont relâchées dans l'eau de lavage, qui sera évacuée vers les stations d'épuration. Malheureusement, toutes les fibres ne sont pas retenues par le traitement de l'eau et certaines se retrouvent dans la nature.
Vue d'artiste d'une machine à laver. L'eau de lavage du linge contient des fibres, qui viennent de l'usure normale du linge. Ces fibres peuvent être composées de matières plastiques. Aucun partenariat n'existe entre un producteur de machines à laver et le propriétaire du blog.

Aujourd'hui, on retrouve donc des particules de plastique dans énormément de milieux différents: dans la terre où les pesticides contenant des microparticules sont utilisés, mais aussi dans les cours d'eau et finalement dans les mers et les océans du monde.
On retrouve des particules de plastique dans tous les recoins du monde, jusqu'au sommet des montagnes, et même dans la glace de la banquise !
Schéma du cycle de l'eau: l'eau de pluie ruisselle pour former des cours d'eau qui se jettent finalement dans la mer. Les déchets plastiques suivent ces cours d'eau et se retrouvent, eux aussi, dans la mer où ils s'accumulent.

Photographie d'un paysage recouvert de glace. Des particules de plastique ont été retrouvées partout sur la planète, jusque dans les endroits les plus reculés.

A retenir: 

 - Microplastiques: fragments de plastiques de <5 mm de long
 - Leur origine: fragmentation de déchets plastiques plus gros, eau de lavage du linge, microbilles dans les produits du quotidien
 - 6.3 milliards de déchets plastiques au total dans le monde
 - Les déchets plastiques sont retrouvés dans tous les endroits du monde


2) Exposition/danger pour l'Homme et la Nature ?
Ayant pris connaissance de cette contamination, les scientifiques du monde entier ont commencé à évaluer l'effet de l'exposition à ces particules sur les organismes aquatiques.
D'ailleurs, la plus grande partie des travaux effectués sur le sujet concernent les organismes marins, au détriment de l'eau douce et du sol.
Pour évaluer cette contamination, des organismes spécifiques sont utilisés comme référence, pour des raisons pratiques. L'exemple le plus courant est la moule, puisque c'est un organisme qui filtre l'eau et ne bouge pas. On peut donc facilement retrouver les particules de plastique absorbées et être sûrs qu'elles proviennent du même endroit.
Photographie de deux moules. Les moules sont des organismes filtreurs, elles accumulent donc les particules de plastique contenues dans l'eau. Leur immobilité nous assure que les particules obtenues viennent toutes du même endroit. "Hé Michel, j'aurais pas un truc entre les dents ?" "T'as pas de dents Henry. Par contre, il y a bien quelque chose."

Les moules ont tendance à accumuler les particules de plastique, qui sont donc plus concentrées dans ces mollusques que dans leur environnement: on parle de bioaccumulation.
Ces particules, à cause de leur petite taille, ont tendance à interagir avec leur environnement: par exemple, des substances dissoutes dans l'eau, comme des pesticides, peuvent se fixer (s'adsorber) à la surface des particules, qui pourront en retour libérer des additifs chimiques comme les phtalates, ou le bisphénol A.
Des bactéries aussi peuvent se fixer sur ces particules.
Les effets constatés dépendent de la nature chimique du polymère utilisé, mais aussi des additifs ajoutés pendant la fabrication.
Ainsi, le PVC et le polyuréthane seraient plus toxiques que le polyéthylène (PET).

A retenir: 

- Bioaccumulation: accumulation d'un polluant dans un organisme vivant. Cette concentration dans l'organisme peut être largement supérieure à celle de l'environnement, et s'accentuer dans la chaîne alimentaire.
 - La moule est l'organisme le plus utilisé pour des recherches d'effets d'une pollution puisqu'elle filtre l'eau et ne bouge pas.
 - L'effet des particules de plastiques sur un organisme dépend de la nature du polymère, des additifs qu'il contient et des substances qui y sont adsorbées.

3) Et nous, sommes-nous exposés ?
Oui, en effet, nous sommes exposés à des microplastiques. D'après le rapport de la WWF de 2009 "No plastic in Nature" nous sommes exposés à 5 grammes de microplastiques par semaine.
La source principale d'exposition serait l'eau de boisson, puis l'alimentation, notamment via les produits de la mer. L'air arrive en dernière position avec une exposition relativement basse.

Les effets sur l'Homme ont été évalués sur des cellules intestinales humaines, directement exposées à cette contamination. En 2019, S.Wu et son équipe ont exposé ces cellules à différentes concentrations de particules de polystyrène pendant 24 heures. Leurs résultats indiquent que les cellules exposées présentent des signes liés à l'inflammation et une plus grande mortalité comparée aux cellules non-exposées aux particules. De plus, les effets obtenus dépendent de la dose utilisée: plus la concentration en particules est importante, plus l'effet est important.

A retenir:
 - L'Homme serait exposé aux microplastiques par l'eau de boisson, la nourriture et l'air (et certains produits cosmétiques)
 - L'exposition représenterait environ 5 grammes par semaine
 - L'exposition aux microplastiques pourrait provoquer une inflammation des cellules intestinales et une hausse de la mortalité de ces cellules

4) Des pistes pour remédier au problème ?
 J'ai conscience que la lecture de cette article peut alarmer certaines personnes, du fait de la nature même du sujet traité.
Heureusement, des pistes sont envisagées, des solutions sont proposées, et des projets sont mis en place pour tenter d'y remédier.
Toutes ces solutions tiennent en trois grands thèmes: diminuer le rejet du plastique dans la nature, enlever le plastique présent dans l'environnement, et enfin faire disparaître ce plastique.

  Tout d'abord, pour faire diminuer le rejet de plastique dans la nature, les mesures proposées sont généralement basées sur l'action des citoyens: utiliser des sacs, des récipients ou des emballages réutilisables plutôt qu'en plastique, jeter ses déchets dans une poubelles plutôt que par terre...

Pour une fois, les pays occidentaux ne sont pas les pires élèves: d'après l'article de CJ. Rhodes paru en 2018, les 5 pays dont les rejets de plastique sont les plus importants sont la Chine, l'Indonésie, les Philippines, le Vietnam et le Sri Lanka.
Carte du monde illustrant la concentration des déchets dans les gyres océaniques. Les courants circulaires des océans (gyres) permettent l'accumulation des déchets dans des zones spécifiques.


Ensuite, différentes mesures sont envisagées pour réduire la quantité de plastique présente dans les océans, comme les opérations de nettoyage de plages ou, de façon plus ambitieuse, des opérations de nettoyage de l'océan à grande échelle, comme Ocean Clean-up.

Allez voir le site Internet du projet Ocean Cleanup !

Photographie d'un navire du Projet Ocean Cleanup, avec un filet permettant de ramasser les déchets plastiques sur son chemin. Le Projet Ocean Cleanup, une ONG internationale, a pour ambition d'éliminer les déchets plastiques des océans et de limiter l'ajout de déchets supplémentaires.

Photographie d'un groupe de personnes nettoyant une plage. Le nettoyage des plages et des lieux de vie communs est une action citoyenne que n'importe qui peut mettre en place pour limiter la pollution plastique, en plus de l'utilisation des poubelles ou du tri sélectif.

Enfin, pour faire disparaître le plastique, des plastiques biodégradables appelés bioplastiques ont été développés. Ces bioplastiques sont biosourcés, ce qui veut dire qu'ils sont dérivés de substances naturelles. Par exemple, la cellulose du bois, la pectine des pommes et l'acide lactique des yaourts permettent déjà de produire des polymères biodégradables.
On peut aussi utiliser des additifs, des substances chimiques qui vont permettre au plastique de se décomposer dans l'environnement. Les plastiques ainsi produits sont appelés oxo-plastiques.
Cette solution ne fait pas l'unanimité.

Photographies de plusieurs bouteilles en bioplastique, à différents stades de dégradation. L'acide polylactique qui les compose, fabriqué à partir de l'acide lactique, est facilement dégradé par les micro-organismes.

Une autre solution serait d'utiliser des micro-organismes capables de dégrader le plastique.
D'après une étude de AK.Urbanek publiée en 2019, certaines bactéries et champignons produisent des enzymes, des outils moléculaires capables de dégrader certains polymères de plastiques comme le polyuréthane. Il est donc question d'utiliser ces organismes, ou au moins leurs enzymes, pour détruire nos déchets plastiques. Ce serait un moyen propre et efficace de nous débarrasser de cette énorme quantité de plastique qui sera récupérée dans l'océan, par exemple.
Photographie de fermenteurs industriels. Des bactéries pourraient à l'avenir (quand suffisamment d'enzymes seront identifiées et testées) être cultivées pour dégrader différents polymères de plastique.
Bien entendu, toutes ces solutions devront être finalisées et testées en laboratoire avant toute utilisation publique.
Jusqu'ici les plastiques biodégradables ne font pas encore l'unanimité dans la communauté scientifique, il faudra encore les développer avant de rendre cette solution satisfaisante.
Il faudra aussi s'assurer que les bactéries capables de dégrader les polymères de plastique ne produisent pas de substances néfastes à partir de nos déchets, même si pour l'instant il semble que les substances produites soient inoffensives. Et, évidemment, il nous faudra des enzymes capables de dégrader chaque type de polymère, ce qui n'est pas encore le cas.

A retenir:
Pour faire diminuer la quantité de déchets plastiques:
- Utiliser de préférence des emballages ou des récipients réutilisables
- Opérations de nettoyage des plages, projets de nettoyage des océans
- Utiliser des plastiques biodégradables
- Utiliser des bactéries ou des enzymes capables de dégrader les polymères de plastique
- Tester et valider les technologies avant de les utiliser


La mer est un endroit formidable qu'il nous reste encore à découvrir, où nous pourrons trouver de nouvelles idées pour l'avenir, de nouveaux médicaments, des innovations technologiques, de nouvelles façons de voir le monde. Il est temps pour nous d'apprendre à en prendre soin.

Sources
Site Internet
Ocean Cleanup
https://theoceancleanup.com/

Articles:
Rhodes CJ. 2019.”Plastic pollution and potential solutions”.Sci Rep. 9(1):6633. doi: 10.1038/s41598-019-43023-x
 
Rapport de la WWF "No plastic in nature"

WWF. (2019). No plastic in nature: Assessing plastic ingestion from Nature to People. Consulted on http://awsassets.panda.org/downloads/plastic_ingestion_press_singles.pdf
 

Wu S, 2019: effet des microplastiques sur des cellules intestinales humaines
Wu S, Wu M, Tian D, Qiu L, Li T. 2019. “Effects of polystyrene microbeads on cytotoxicity and transcriptomic profiles in human Caco-2 cells”. Environ Toxicol. doi: 10.1002/tox.22885 

AK Urbanek, 2019: enzymes qui dégradent le plastique

Urbanek AK, Mirończuk AM, García-Martín A, Saborido A, de la Mata I, Arroyo M. 2019. “Biochemical properties and biotechnological applications of microbial enzymes involved in the degradation of polyester-type plastics” Sci Total Environ. doi: 10.1016/j.scitotenv.2019.135577


Images:
Un sac plastique dans l'océan
http://static.wixstatic.com/media/e5dcc5_bf8b703383f24e089cc043e689683cc2~mv2_d_2200_1258_s_2.jpg_srz_941_538_85_22_0.50_1.20_0.00_jpg_srz
Dentifrice
https://glslcities.org/wp-content/uploads/2015/05/microbilles.jpg
Machine à laver
https://image.darty.com/gros_electromenager/lavage_sechage/lave-linge_hublot/bosch_waq28413ff_l1406114020480A_150830788.jpg
Paysage enneigé
https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj_Ygc5IYZTnfvuNwX2V6RBX3LJZy8I4SuxV2a3tGSvav2-U07BmHkCxGLA8ffbnrsGqQXvp4W60A_NNtf6EbvRG9IUMatBkgOPzZK9wz-3-dgZl8xYqbD6fcPBnrfSxN6PAjbyuZs17a0/s1600/04.jpg
Bouteilles de bioplastique
https://i1.wp.com/www.leblogdelusinagedeprecision.com/wp-content/uploads/bioplastique_pla_smide_usinage_plastique.png?w=630
Fermenteurs industriels
http://image.made-in-china.com/43f34j10mMbEegvBkCoW/Stainless-Steel-Beer-Fermenter.jpg
Navire Ocean Cleanup
https://assets.theoceancleanup.com/app/uploads/2019/03/largest_cleanup-1920x1280.jpg
Nettoyage de plage
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/9/99/Sailors_clean_a_beach_in_Diego_Garcia..jpg/1200px-Sailors_clean_a_beach_in_Diego_Garcia..jpg
Gyres océaniques
https://www.cartograf.fr/img/7eme_continent/carte_7eme_continent_gyres_dechets.png